Les images de la nuit à Gaza, rappellent celles de la guerre de 2014. Des langues de feu s’élevant au-dessus des immeubles de l’enclave palestinienne, où vivent, sous blocus israélien, deux millions de personnes. Les avions de combat israéliens ont mené des raids aériens meurtriers à Gaza.
« Nous sommes tellement tristes… il y a eu des morts, des martyrs à Gaza. Que Dieu vienne en aide à nos frères. Nous, ici à Jérusalem, nous sommes habitués à la répression des forces de l’occupation, ce n’est pas nouveau. On fait face aux tirs de balles en caoutchouc et au gaz lacrymogène. Leurs moyens de répression ne nous font pas peur. Au contraire, cette répression nous pousse à la résistance. Et on finira par les faire plier », estime Amjad, un Palestinien de Jérusalem.
Côté israélien, les sirènes ont également retenti jusque tard dans la nuit. 200 roquettes au moins ont été tirées par le Hamas contre le territoire de l’Etat hébreu. Interceptées en grande partie par le « Dôme de Fer », le dispositif anti-missiles de l’armée israélienne.
Généralement ce sont les villes israéliennes les plus proches de la bande de Gaza : Sdérot, Ashkélon, qui sont ciblées par les tirs du Hamas. Mais le mouvement islamiste au pouvoir dans l’enclave palestinienne, a revendiqué des attaques contre Jérusalem, où se tenait hier lundi un grand rassemblement de juifs nationalistes.
Le Premier ministre israélien, a rapidement réagi. « Une ligne rouge a été franchie », explique Benyamin Netanyahou dans une vidéo sous-titrée en arabe et publiée sur ses réseaux sociaux. Il prévient d’ores-et-déjà, cette période de tensions risque de durer.
« Le Premier ministre Benyamin Netanyahou, publie sur ses réseaux sociaux : Jérusalem est la capitale d’Israël. Jamais nous ne l’accepterons. Avec ce qui se passe en ce moment, j’espère que les pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, le regretteront », poursuit Amjad.
Des heurts à Jérusalem-Est
Lundi 10 mai, à la porte de Damas, les Palestiniens ont été violemment réprimés par la police israélienne, qui lançait des grenades, de l’eau usée, de gaz lacrymogène et tirait sur les personnes présentes.
Pour un Palestinien de Jérusalem, qui a passé de nombreuses nuits à la porte de Damas depuis le début du ramadan et porte un tee-shirt avec l’inscription « pour mon droit au retour », ce qui se passe à Jérusalem depuis vendredi soir est aussi terriblement triste. Tout cela est, selon lui, lié à la violence et une répression qui dure depuis trop longtemps pour les Palestiniens.
« Ce qui se passe à Jérusalem, vous pouvez le comparer à ce que font les colons à Hébron, ce que les colons ont fait à Jaffa, dans le quartier d’Ajami. Ils essaient d’évacuer les maisons à tout prix. Et la violence d’Etat et la violence des colons est main dans la main. Mais là, on voit une réponse palestinienne, et il y a beaucoup de colère », assure-t-il.
Le jeune homme de poursuivre : « Quand les gens voient qu’Al- Aqsa est attaquée par des policiers israéliens, quand le déplacement forcé des Palestiniens continue encore et encore, ceux du quartier de Sheikh-Jarrah à Jérusalem-Est, évidemment que la situation est intense. Mais c’est assez clair de voir qui a le pouvoir. »
Après ces longues minutes de tensions intenses, le calme était revenu hier dans cette partie de Jérusalem.
Alain Dieckhoff : « Les protagonistes vont plutôt essayer de calmer le jeu »
Alain Dieckhoff, directeur de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences.-Po, le Ceri.
Avez-vous le sentiment que cette nouvelle confrontation entre Israël et le Hamas risque de dégénérer en véritable conflit armé, comme on l’a vu notamment en 2008 et 2014 ?
A priori, je pense que les protagonistes vont plutôt essayer de calmer le jeu, parce que je crois qu’ils n’ont pas intérêt, ni du côté israélien, ni du côté palestinien, mais bien évidemment. En tous les cas, aujourd’hui on n’a pas de garanties. Tout va dépendre, à mon avis, de ce qui va se passer aujourd’hui. C’est-à-dire : est-ce qu’on va rentrer dans une phase d’accalmie ou est-ce que ça va reprendre ?
Le Premier ministre Benyamin Netanyahu a promis de réagir avec fermeté, mais il est actuellement dans une situation délicate. Il pourrait perdre son poste de chef de gouvernement. Quelle influence cette instabilité politique pourrait-elle avoir sur la situation actuelle ?
Je dirais qu’on est dans une phase de transition. On n’est pas véritablement dans une phase d’instabilité dans la mesure où, même si l’avenir de Benyamin Netanyahu comme Premier ministre n’est pas garanti, tant qu’il est au pouvoir, il a les pleins pouvoirs d’un Premier ministre ordinaire. Donc, il peut agir normalement. D’ailleurs, ça a été fait puisque, en effet, après que le Hamas ait tiré des roquettes en direction de Jérusalem, ce n’était plus arrivé depuis 2014, la riposte militaire n’a pas tardé avec les conséquences en particulier pour Gaza et les victimes qu’on a pu déplorer.
Est-ce que Benyamin Netanyahu a encore le soutien des Israéliens pour cette politique de fermeté ?
Cela n’a rien à voir avec le contexte politique interne. Quel que soit le Premier ministre en charge, il aurait d’une façon ou d’une autre réagi de la même façon. C’est une question de maintien d’une sorte de dissuasion dans le rapport de force entre Palestiniens et Israéliens, et très clairement, du côté israélien, quel que soit le Premier ministre en charge, il n’est pas tolérable que le Hamas tire des roquettes en direction de Jérusalem qui, du point de vue israélien, est la capitale de l’État.
Est-ce que les États-Unis, notamment Joe Biden, vont revoir leur politique vis-à-vis d’Israël ? Ils sont un soutien habituel.
Il y a déjà des inflexions. On voit qu’on n’est plus du tout dans la situation presque d’intimité qui existait entre Benyamin Netanyahu et Donald Trump. Là les Américains ont été quand même beaucoup plus critiques, même s’ils n’ont pas réagi tout de suite. Et ils ne se sont pas du tout opposés à la convocation du Conseil de sécurité des Nations unies. Il y a quand même un climat qui à l’évidence a changé. Je ne pense pas que cela signifie pour autant qu’il faille s’attendre à une offensive diplomatique d’envergure. Il y a des inflexions !
Avec notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa