Violences et pillages se multiplient depuis vendredi en Afrique du Sud après l’incarcération de l’ancien président Jacob Zuma. Les autorités, qui appellent au calme, évoquent plus de 70 morts.
Plusieurs dizaines de personnes sont mortes dans des violences et pillages qui secouent l’Afrique du Sud depuis plusieurs jours, notamment dans la province du Kwazulu-Natal, dans l’est du pays.
Le bilan des violences en Afrique du Sud déclenchées initialement par l’incarcération de l’ex-président Jacob Zuma, est monté mardi soir à 72 morts, dont la plupart survenues dans des bousculades lors de pillages.
« Le nombre total de personnes arrêtées s’élève à 1 234, tandis que les décès est de 72 », a annoncé dans la soirée la police dans un communiqué.
Dans la province du Kwazulu-Natal (KZN), d’où Jacob Zuma est originaire, 27 personnes ont trouvé la mort et 45 dans le Gauteng qui compte la plus grande ville du pays, Johannesburg, où l’agitation s’est répandue.
Le Premier ministre de cette province, Sihle Zikalala a précisé lors d’une conférence de presse que plusieurs de ces décès avaient eu lieu lors de « bousculades dans ce contexte d’émeutes », sans préciser de lieu.
Glaçant détail, qui n’en est pas un : une bonne partie de ces victimes ont été piégées dans des bousculades lors de pillages lundi dans plusieurs centres commerciaux du pays. À Soweto, immense township jouxtant Johannesburg, les corps de dix personnes ont été retrouvés dans la soirée de lundi, plusieurs heures après qu’une foule pressée eut dévalisé le centre commercial Ndofaya.
Jeunes hommes et enfants à la recherche de nourriture et d’objets à revendre
Les images des pillages ont montré des foules compactes et désordonnées, chacun se précipitant pour récupérer téléviseurs géants, vélos pour enfant, sièges de bureau, couches, conserves… Tout ce qui peut être emporté.
Dans les magasins pillés et mis à sac, les premiers émeutiers, souvent des hommes jeunes, ont été rejoints par toutes les autres franges de la population, y compris des enfants, à la recherche de nourriture ou d’équipements à revendre. Les troubles sont nourris par un ras-le-bol général, sur fond de chômage record à 32,6 % et des restrictions réimposées fin juin pour limiter une troisième vague meurtrière de contaminations au Covid-19.
« Je ne me sens pas vraiment concerné par Zuma, c’est un vieil homme corrompu qui mérite d’être en prison. Je prenais des choses dans le magasin pour ma mère », a déclaré à l’AFP Tibello, 30 ans, au chômage.
Les forces de l’ordre, visiblement en minorité, ont tiré des balles en caoutchouc pour disperser les mouvements de foule, suscitant la course paniquée de fuyards sur les parkings de centres commerciaux. Ou encore dans les rues des principales villes touchées, aux trottoirs jonchés de bris de verre et déchets, et bordés de bâtiments et voitures en feu.
« La police est débordée », a répété face aux caméras le Premier ministre provincial, en venant constater une partie des dégâts à Soweto, tandis que le président Cyril Ramaphosa, « le cœur lourd », a souligné lundi soir le caractère inédit de ces violences depuis l’avènement de la démocratie post-apartheid.
Routes bloquées, pillages, incendies
Le ministre de la Police, Bheki Cele, s’est engagé à ce que la situation « ne se détériore pas davantage ». Mais les pillages n’ont montré aucun signe d’essoufflement, notamment à Soweto où des soldats ont commencé à patrouiller selon l’AFP, comme à Durban et Pietermaritzburg, la capitale de la province du KZN.
Tôt dans la matinée, les chaînes locales ont montré des dizaines de femmes, certaines en robe de chambre, aux côtés d’hommes et d’enfants débarquant dans une boucherie, dans la zone de Diepkloof à Soweto. Ils ont vidé les chambres froides et sont sortis en courant. Un agent de sécurité privé, seul, se tenait debout, impuissant. La police ne s’est présentée que trois heures plus tard pour disperser et arrêter les derniers pillards.
Dans la nuit, policiers et agents de sécurité privée armés jusqu’aux dents ont longuement affronté des émeutiers dans le quartier dégradé de Jeppe, près du centre de Johannesburg, a constaté l’AFP.
Les premier incidents, avec des routes bloquées et des camions incendiés, ont eu lieu vendredi, au lendemain de l’incarcération en pays zoulou de l’ancien président Jacob Zuma, condamné à une peine de prison ferme pour outrage à la justice. Les violences, pillages et incendies se sont ensuite propagés ce week-end à l’agglomération de Johannesburg, capitale économique du pays.
Le président Ramaphosa a rappelé, sévère, que si les « frustrations et la colère » exprimées avaient « des racines politiques », « aucune cause ne peut justifier » ces violences.
Avec AFP