C’est un prix Sakharov des droits de l’homme un peu particulier qu’a décerné cette année le Parlement européen, puisque l’opposant russe récompensé, Alexeï Navalny, est actuellement détenu dans son pays.
Le prix Sakharov élèbre la liberté d’expression. Elle est, en l’espèce, durement mise à mal pour l’opposant russe Alexeï Navalny. Incarcéré depuis son retour en Russie en janvier dernier dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité, à une centaine de kilomètres à l’est de Moscou, il doit purger une peine de deux ans et demi.
En août dernier, l’opposant russe s’est confié au New York Times et a décrit ses conditions de détention, soumis à un programme mis au point par les autorités : regarder la télévision d’État russe et des films de propagande pendant plus de huit heures par jour. Lire, écrire ou toute autre activité lui étant strictement interdite.
Ancien avocat de 45 ans, Alexeï Navalny est devenu le principal détracteur de Vladimir Poutine. Depuis des années, il dénonce la corruption en Russie, ciblant exécutifs locaux, députés et ministres, via des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
En août 2020, il est empoisonné à Tomsk, en Sibérie. C’est le début d’un calvaire médical, puis judiciaire, qui se solde par sa condamnation en février 2021 à deux ans et demi de prison dans une obscure affaire de fraude. Moscou a nié toute implication dans cette affaire. Navalny a été emprisonné dès son retour en Russie.
Une distinction qui intervient alors que la répression sévit en Russie
Le choix d’Alexeï Navalny a immédiatement été salué par le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. Ce prix est « la reconnaissance du rôle important qu’il a joué depuis de nombreuses années pour défendre les valeurs de la démocratie et être une voix forte en Russie », a dit le chef de l’Alliance atlantique devant la presse à Bruxelles.
Il s’agit, certes, d’un prix pour Alexeï Navalny, mais d’un prix, dit son organisation sur Twitter, à « tous ceux qui ne sont pas indifférents, qui, même dans les moments les plus sombres, n’ont pas peur de dire la vérité ». Moment sombre, nous explique la correspondante de RFI à Moscou, Annisa El Jabri, parce que le pays est marqué depuis plusieurs mois par une nouvelle vague de répression. Plus exactement depuis février et le retour d’Alexeï Navalny dans le pays.
Les manifestations de protestation contre son incarcération ont été suivies d’arrestations et de reculs nombreux sur les libertés. ONG, médias indépendants, simples militants ont été classés agents de l’étranger.
Le Kremlin avait félicité le journaliste russe Dimitri Muratov pour son co-prix Nobel de la paix, il y a deux semaines. Peu de doute que ce ne sera pas le cas pour ce prix Sakharov : Alexeï Navalny est la bête noire du président russe, Vladimir Poutine. Jusqu’à il y a quelques mois dans les cercles du pouvoir, on ne prononçait même pas son nom.
Avec RFI