Le président turc Recep Tayyip Erdogan a remporté, selon la commission électorale, un nouveau mandat aux pouvoirs renforcés dimanche. Selon l’agence officielle Anadolu, il devrait aussi s’assurer une majorité parlementaire.
Recep Tayyip Erdogan a remporté son pari. Il a été réélu, dimanche 24 juin, président de la Turquie pour un mandat de cinq ans à l’issue d’élections très disputées. « D’après les résultats, il apparaît que Recep Tayyip Erdogan a remporté la majorité absolue des voix valides », ce qui lui permet d’être réélu au premier tour, a indiqué le chef du Haut comité électoral Sadi Güven. Il a ajouté que 97,7 % des voix avaient été enregistrées, précisant que les bulletins qui n’avaient pas encore été comptabilisés n’étaient pas en nombre suffisant pour priver Recep Tayyip Erdogan de sa majorité absolue.
L’agence de presse étatique Anadolu affirmait un peu plus tôt que ce dernier avait remporté le scrutin avec environ 52,5 % des voix, selon des résultats partiels après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins. Toujours selon Anadolu, le parti de Recep Tayyip Erdogan, l’AKP, et son allié ultranationaliste, le MHP, conservent leur majorité parlementaire dans le volet législatif des élections avec quelque 53,6 % des suffrages exprimés.
Erdogan, qui règne sur la Turquie depuis 15 ans, a savouré sa victoire en s’adressant dans la nuit de dimanche à lundi à des milliers de partisans réunis à Ankara devant le siège de l’AKP. « Le vainqueur de cette élection, c’est la démocratie, la volonté nationale. Le vainqueur de cette élection, c’est chacun des 81 millions de nos concitoyens », a-t-il clamé.
Les élections de dimanche étaient particulièrement importantes, car elles marquent le passage du système parlementaire en vigueur à un régime présidentiel où le chef de l’État concentre la totalité du pouvoir exécutif, aux termes d’un référendum parlementaire qui s’est tenu en 2017. Recep Tayyip Erdogan présente le nouveau système présidentiel comme nécessaire pour doter la Turquie d’un exécutif stable, mais ses détracteurs l’accusent de vouloir monopoliser le pouvoir avec cette réforme qui supprime notamment la fonction de Premier ministre et permet au président de gouverner par décrets.
Son principal concurrent, le social-démocrate Muharrem Ince, est arrivé en deuxième position de la présidentielle. Anadolu le crédite de 30,7 % des voix, et l’alliance anti-Erdogan formée par plusieurs partis d’opposition pour le volet législatif du scrutin récolterait 34 % des suffrages. Muharrem Ince n’a fait aucun commentaire concernant le résultats dimanche soir, convoquant une conférence de presse pour lundi à la mi-journée à Ankara.
En quinze ans de règne, Recep Tayyip Erdogan s’est imposé comme le dirigeant turc le plus puissant depuis le fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk. Il a transformé la Turquie à coups de méga-projets d’infrastructures, a libéré l’expression religieuse, et fait d’Ankara un acteur diplomatique clé.
« La victoire d’Erdogan est incontestablement le signe de sa grande popularité auprès de l’électorat turc, en particulier l’électorat conservateur dans les régions rurales d’Anatolie, et le signe de sa résilience face à une opposition unie », estime Jana Jabbour, docteure associée au Ceri/Sciences Po et spécialiste de la Turquie.
Ses détracteurs accusent le « Reis », âgé de 64 ans, de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016, suivie de purges massives qui ont touché des opposants ainsi que des journalistes, et suscité l’inquiétude de l’Europe. Voyant dans ces élections leur dernière chance d’arrêter Recep Tayyip Erdogan dans sa quête d’un pouvoir incontestable, des partis aussi différents que le CHP, Iyi (nationaliste) et le Saadet (islamiste) ont noué une alliance inédite pour les législatives, avec l’appui du HDP (prokurde).
Le parti pro-kurde siègera au Parlement
La campagne a été marquée par une couverture médiatique très inéquitable en faveur du président turc, dont chaque discours a été retransmis in extenso par les télévisions.
Le candidat du parti prokurde HDP, Selahattin Demirtas, a été contraint de faire campagne depuis une cellule : accusé d’activités « terroristes », il est en détention préventive depuis 2016. Selon Anadolu, il a obtenu près de 8 % des voix et la commission électorale a indiqué que son parti avait franchi le seuil de 10 % au niveau national, lui permettant de siéger au Parlement.
Les craintes de fraudes ont été vives pendant le vote, notamment dans le sud-est à majorité kurde. Les opposants, qui avaient mobilisé une armée d’observateurs, ont dénoncé des irrégularités, notamment dans la province de Sanliurfa.
Avec AFP