Ils sont dix rois officiellement reconnus en Afrique du Sud. Un héritage historique qui rappelle que le pays est une mosaïque de peuples.
Ce 12 mars, le peuple zoulou pleure la disparition à l’âge de 73 ans de son roi. Huitième roi de la dynastie Zulu, il a régné durant 50 ans, sans réel pouvoir mais avec une très grande autorité morale. Le président d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, a rappelé dans un communiqué le rôle qu’a tenu durant ces années Goodwill Zwelithini : « Un monarque visionnaire qui a contribué fortement à l’identité culturelle, à l’unité nationale et au développement économique du KwaZulu-Natal, et au delà au développement de notre pays tout entier. »
Principal groupe ethnique de l’Afrique du Sud avec les Xhosa, les Zoulous représentent le cinquième de la population. Tant par leur poids démographique que par leur histoire et leur culture, ils bénéficient d’une aura très importante dans le pays et à l’étranger. De ce fait, le roi zoulou est un personnage très influent qu’il convient de respecter.
Influence
Une influence qui entraîne parfois de sérieux dérapages. Ainsi Goodwill Zwelithini s’est opposé à la réforme agraire lancée en 2018 pour redistribuer les terres aux fermiers noirs. Car le roi, à la tête d’une société fiduciaire, l’Ingonyama Trust, gère le tiers des terres du KwaZulu-Natal, près de trois millions d’hectares, et n’entendait pas les partager.
Un montage, paradoxalement scellé au temps de l’apartheid, qui assure un revenu confortable. « Maintenant, le conseil d’administration de l’Ingonyama Trust demande aux gens de payer un loyer et ce loyer augmente de 10% par an. Et s’ils vous expulsent, ils saisissent votre terre, et vous n’avez rien le droit d’emporter », expliquait RFI. Face à cette opposition, le gouvernement a dû faire marche arrière, ce qui a enlisé fortement le programme de redistribution des terres qui n’est toujours pas réellement lancé.
Déclarations fracassantes
Goodwill Zwelithini a également défrayé la chronique par ses déclarations fracassantes. En 2015, il est accusé d’avoir soufflé sur les braises lors d’affrontements xénophobes, demandant aux étrangers « de faire leurs bagages et de s’en aller ». « Si j’avais dit cela, il ne resterait plus rien », se défend-il. En 2012 déjà, il était accusé d’avoir tenu des propos, homophobes cette fois, lors d’une cérémonie officielle. Mais il assure qu’on l’a mal compris.
Dix rois et des milliers de petits chefs
L’Afrique du Sud compte dix rois et quelque 6 000 chefs traditionnels. Et Goodwill Zwelithini n’est pas le seul à avoir un comportement discutable. Ainsi Buleyekhaya Dalindyebo, roi de l’ethnie Thembu, celle de Nelson Mandela, a été condamné en 2009 à douze ans de prison pour incendie criminel, enlèvement et agression sur certains de ses sujets. Il a bénéficié en 2019 d’une remise de peine.
Plus récemment, c’est le roi de la nation amaBhaca qui a été accusé de corruption. Madzikane II, mort brusquement le 22 février dernier à l’âge de 43 ans, était également le mari de la porte-parole de la présidence sud-africaine. Fort de ses relations, ils auraient selon l’accusation obtenu pour 6 millions d’euros de contrats liés à la lutte contre le Covid-19. Un scandale qui a coûté son poste à son épouse.
A la charge de l’Etat
Plus globalement, c’est aussi le fastueux train de vie de ces souverains tribaux qui pose problème. Car les dix rois, 829 chefs traditionnels et 5 311 petits chefs perçoivent un salaire de la part du gouvernement sud-africain. Une coquette somme estimée au total à 55 millions d’euros en 2012, rapportait Libération. Selon le quotidien, chaque roi percevait à l’époque 80 000 euros par an. A cela, il convient d’ajouter un « bonus régional ». Ainsi, le KwaZulu-Natal a versé un bonus de 5 millions d’euros à son bon roi Goodwill Zwelithini. Sans oublier la construction d’un palais à 1,5 million d’euros pour la plus jeune de ses six épouses.
Curieusement, les critiques à l’encontre du système sont plutôt rares dans un pays où pourtant la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Sur Twitter, suite à l’annonce du décès de Goodwill Zwelithini, les messages de condoléances affluent et se succèdent. Les nations anciennes sud-africaines sont visiblement toujours d’actualité et très prégnantes.