Plusieurs milliers de personnes ont manifesté, samedi, dans plusieurs villes du Burkina Faso, dont la capitale Ouagadougou, pour protester contre « l’aggravation » de la situation sécuritaire et réclamer une réponse aux attaques jihadistes de plus en plus meurtrières.

Des milliers de personnes sont sorties crier leur colère, samedi 3 juillet, dans plusieurs villes du Burkina Faso, dont la capitale Ouagadougou, face à l’incapacité du gouvernement à juguler les attaques jihadistes de plus en plus meurtrières. Ces manifestations interviennent un mois après le carnage de Solhan, dans le nord-est du pays, dans lequel plus de 130 personnes avaient été tuées.

« Non à l’insécurité grandissante », « Non à l’abandon des populations », « Non aux attaques sans fin », « Y-a-t-il encore un président au Burkina Faso ? », ont scandé les manifestants dans le centre de Ouagadougou, en brandissant des drapeaux de leur pays.

Cette marche, à laquelle avaient également appelé plusieurs organisations de la société civile, était la première organisée par l’opposition depuis la réélection du président Roch Marc Christian Kaboré, en 2020.

« Aujourd’hui, de Dori à Kampti, de Dédougou à Diébougou, de Ouagadougou à Diapaga, les populations ont manifesté pour protester contre l’aggravation de la situation sécuritaire », a déclaré le chef de file de l’opposition, Eddie Komboïgo, se réjouissant d’une « mobilisation gigantesque à travers le pays malgré les appels au boycott par le pouvoir ».

Des manifestations ont également eu lieu à Bobo-Dioulasso (ouest), deuxième ville du pays, mais aussi à Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord, à Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord, et à Fada N’Gourma, chef-lieu de la région de l’Est, ces trois dernières régions étant parmi les plus frappées par les jihadistes.

Le président Kaboré avait demandé aux organisateurs de « surseoir » aux marches de samedi. Des manifestations sont prévues dimanche dans d’autres villes.

« Pendant le premier mandat du président Kaboré (de 2015 à 2020, NDLR), on a dénombré officiellement plus de 1 300 morts et 1,2 million de déplacés internes », a rappelé Eddie Komboïgo, affirmant qu’il « est à craindre que le second mandat ne soit pire que le premier car, depuis le début de l’année, nous en sommes à plus de 300 morts ».

Le Burkina Faso est confronté depuis 2015 à des attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières de formations jihadistes, dont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (affilié à Al-Qaïda) et le groupe État islamique au Grand Sahara (EIGS).

Le pays a connu, dans la nuit du 4 au 5 juin, l’attaque jihadiste la plus meurtrière depuis 2015, commise contre le village de Solhan (nord-est) et ayant fait de 132 à 160 morts selon les sources.

« Aucun espoir »

« Au regard des dernières évolutions macabres sur le plan sécuritaire, il était temps de donner un signal fort aux dirigeants pour se ressaisir et mesurer la gravité de la situation », a estimé Aristide Ouédraogo, membre de la société civile.

Interrogé au téléphone par l’AFP, un manifestant de la commune de Madjoari, dans l’est du Burkina, a dit marcher « pour que les nombreux déplacés puissent retourner dans leur localités d’origine et vivre paisiblement ».

« Ça fait plus d’un an que cette commune est sous blocus des groupes armés, personne ne peut y entrer ou en sortir. La vie y est devenue chère et nous ne voyons aucun espoir venir des autorités », a-t-il ajouté.

Depuis l’attaque de Solhan, les manifestations de colère se multiplient.

Pour tenter d’y répondre, le président Kaboré, réélu en 2020 sur la promesse de ramener la paix dans son pays, a limogé mercredi les ministres de la Défense, Chérif Sy, et de la Sécurité, Ousséni Compaoré. Il assumera lui-même le poste de la Défense.

Selon le Premier ministre, Christophe Dabiré, « l’attaque de Solhan a servi de détonateur parce que cela a permis de mettre en évidence un certain nombre de dysfonctionnements au niveau de notre dispositif de défense et de sécurité ». « C’est pourquoi le président Kaboré a repris les rênes du ministère de la Défense nationale, (…) pour pouvoir procéder à une réorganisation interne de l’ensemble de nos structures chargées de la défense et de la sécurité. »

Il veut croire que cette décision permettra au chef de l’État « de renouer avec le peuple et de recréer la confiance indispensable pour assurer la sécurité des personnes et des biens ».

Avec AFP