En France et en Guinée, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, vendredi, pour rendre hommage à Mamoudou Barry, chercheur guinéen tué lors d’une agression présumée raciste, le 19 juillet, à Rouen.
Dans la capitale guinéenne, une centaine de personnes ont manifesté dans la matinée devant l’ambassade de France pour dénoncer le racisme et demander justice. “Á bas le racisme”, “Non à la violence”, “Justice pour Mamoudou” pouvait-on lire sur les pancartes brandies.
La mort de Mamoudou avait suscité une vive émotion dans le pays jusqu’au sommet de l’État. “Très touché par le meurtre du docteur Mamoudou Barry, je présente mes condoléances les plus attristées à la famille Barry et au Peuple de Guinée” avait notamment tweeté le président guinéen Alpha Condé. “Le Gouvernement suit de très près l’évolution des enquêtes diligentées par les autorités françaises’’, avait-il ajouté.
“Mamoudou était quelqu’un de brillant”
Vendredi 19 juillet, Mamoudou Barry avait été invectivé, peu avant la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) entre l’Algérie et le Sénégal, par un homme de nationalité turque alors qu’il rentrait chez lui en voiture avec son épouse, selon des proches de la victime. « L’agresseur les a pointés du doigt et a dit : ‘Vous les sales noirs, on va vous niquer ce soir' », a expliqué Kalil Aissata Kéita, enseignant chercheur à l’université de Rouen, lui aussi Guinéen et « ami proche » de la victime.
Mamoudou Barry serait descendu de sa voiture pour demander des explications. L’agresseur « l’a frappé à coups de poing et de bouteille », puis, Mamoudou « est mal tombé, il a perdu beaucoup de sang. Quelqu’un a tenté de lui faire un massage cardiaque », a détaillé Me Jonas Haddad. Transporté au CHU de Rouen, l’universitaire, père d’une petite fille de deux ans, est mort de ses blessures.
“Mamoudou était quelqu’un de brillant. Nous sommes arrivés le même jour en France en septembre 2012. Nous avons travaillé ensemble pendant deux ans. J’étais son secrétaire général alors qu’il était vice-président de l’association des étudiants guinéens à Rouen” raconte Ibrahima Barry. “Ce n’est pas que la famille et les amis proches qui perdent quelqu’un. C’est la Guinée aussi qui perd un grand talent”.
Le chercheur venait de soutenir “brillament sa thèse sur les politiques fiscales et douanières en matière d’investissements étrangers en Afrique francophone », peut-on lire sur le site de l’université de Rouen. Il y enseignait aussi le droit.
“Nous voulons que justice soit rendue”
Une information judiciaire a été ouverte pour “violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner”. Le facteur aggravant du caractère raciste de l’agression a aussi été retenu. Arrêté mardi par la police, le suspect, un jeune homme de 29 ans, a cependant été très vite relâché pour raisons médicales. Il présenterait de lourds antécédents psychiatriques et est depuis hospitalisé.
Selçuk Demir, avocat de Mehmet A., père du suspect, conteste l’agression raciste. « À considérer que le jeune homme que je connais ait été à l’origine des faits, j’ai un gros doute sur le mobile. Je ne pense pas que Damien puisse être à l’origine d’une agression raciste » a-t-il déclaré à l’AFP. “Il y avait des témoins occulaires. Mamoudou ne serait pas descendu de sa voiture si l’agresseur n’était pas allé si loin dans ses propos. Nous dénonçons le fait de s’être acharné contre lui parce que tout simplement il est noir. Nous voulons que justice soit rendue”, réplique Ibrahima Barry, qui a lancé une cagnotte en ligne pour soutenir la famille de Mamoudou. Plus de 44 000 euros ont déjà été collectés.
Dans un communiqué, SOS Racisme a demandé que « toute la lumière » soit faite, estimant qu' »il flotte sur cet acte criminel un parfum de racisme sur lequel les services enquêteurs doivent rapidement se prononcer ». L’organisation a aussi appelé à manifester partout en France contre le racisme samedi à 13 h.
Selon la page Facebook “Justice pour Mamoudou » des rassemblements sont notamment prévus ce week-end à Montpellier, Grenoble, Lyon, Lille, Toulouse et Paris.