La journée de vendredi a commencé par des coups de feu entendus à Ouagadougou. Elle se termine par l’annonce de la destitution du chef de la junte militaire au pouvoir depuis janvier 2022, Paul-Henri Damiba. Il s’agit du deuxième coup d’État en huit mois au Burkina Faso.

Un groupe de militaires a annoncé vendredi 30 septembre à la télévision nationale du Burkina Faso la mise à l’écart du chef de la junte Paul-Henri Damiba, au pouvoir depuis un coup d’État le 24 janvier 2022.

Après une journée émaillée de tirs dans le quartier de la présidence à Ouagadougou, une quinzaine de soldats en treillis et pour certains encagoulés ont pris la parole, peu avant 20 heures, heure locale (et GMT) sur le plateau de la radiotélévision nationale.

« Le lieutenant-colonel Damiba est démis de ses fonctions de président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration » [MPSR, organe dirigeant de la junte), ont déclaré les militaires dans un communiqué lu par un capitaine.

Le capitaine Ibrahim Traoré, nouvel homme fort du pays

Le nouvel homme fort du pays, désigné président du MPSR, est désormais le capitaine Ibrahim Traoré, a-t-il ajouté. Ce dernier, 34 ans, était jusqu’à présent le chef de l’unité des forces spéciales antijihadistes « Cobra » dans la région de Kaya (nord).

Le sort de Paul-Henri Damiba restait inconnu vendredi soir.

Les putschistes ont également annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes du pays à partir de minuit, ainsi que la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée législative de transition.

Un couvre-feu de 21 heures à 5 heures est aussi mis en place.

Les militaires invoquent « la dégradation continue de la situation sécuritaire » dans le pays. « Nous avons décidé de prendre nos responsabilités, animés d’un seul idéal, la restauration de la sécurité et de l’intégrité de notre territoire », ont-ils poursuivi.

« Notre idéal commun de départ a été trahi par notre leader en qui nous avions placé toute notre confiance. Loin de libérer les territoires occupés, les zones jadis paisibles sont passées sous contrôle terroriste », ont-ils encore affirmé.

Paul-Henri Damiba avait promis, en prenant le pouvoir, de faire de la sécurité sa priorité, dans ce pays miné depuis des années par de sanglantes attaques jihadistes. Mais celles-ci se sont multipliées ces derniers mois, notamment dans le Nord.

Depuis 2015, les attaques récurrentes de mouvements armés affiliés aux jihadistes d’Al-Qaïda et du groupe État islamique, principalement dans le nord et l’est du pays, ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque 2 millions de personnes.

Condamnation de la Cédéao

Les putschistes ont promis de convoquer « incessamment les forces vives de la Nation » afin de désigner un « nouveau président du Faso, civil ou militaire ».

Dans un communiqué, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) – dont le Burkina est suspendu des instances depuis le coup d’État de janvier – a « condamné avec la plus grande fermeté la prise de pouvoir par la force qui vient de s’opérer ». La Cédéao trouve « inopportun ce nouveau coup de force au moment où des progrès ont été réalisés (…) pour un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024 ».

Journée très tendue

La journée de vendredi a été très tendue dans la capitale burkinabè, des tirs ayant été entendus avant l’aube dans le quartier abritant la présidence et le QG de la junte, selon plusieurs témoins, puis à nouveau en début d’après-midi.

Plusieurs axes de la ville ont été barrés toute la journée par des militaires postés sur les principaux carrefours de la ville, notamment devant le siège de la télévision nationale.

Vendredi soir, peu avant l’annonce télévisée, un important dispositif militaire s’est déployé dans certains quartiers de la capitale, ont constaté des journalistes de l’AFP.