Dans l’affaire dite des 21 millions d’euros de la Banque centrale de la République de Guinée, la Lettre du Continent tient coûte que coûte à imposer son « scoop ». Elle s’y accroche avec l’énergie du désespoir, même si elle doit continuer d’empiler affabulations et contrevérités dans une affaire dont Médiaguinée a révélé les vrais contours depuis le 12 septembre 2018. Evidemment, la rigueur journalistique en prend un sacré coup…
La dernière édition de la Lettre du Continent (LC N°785 du 3 Octobre sous le titre « Alpha Condé s’empare du dossier des devises de la BCRG ») est une œuvre d’anthologie en matière de contrevérités. La newsletter parle d’une réunion du (lundi) 17 septembre 2018 qui a effectivement eu lieu mais notre confrère se plante aussi bien sur les acteurs que sur l’objet réel de la réunion. Oui, le représentant du Fonds monétaire y a été convié mais il a bien confirmé que KPMG, l’auditeur externe de la BCRG, a souligné le caractère « normal » des opérations de convoiement de devises à l’étranger. Oui, le colonel Moussa Tiegboro Camara y a aussi été appelé, après que les débats aient débuté bien avant, mais l’enquêteur en chef des services spéciaux est venu pour apporter des précisions sur l’origine du fameux rapport anonyme (intitulé « Le service ») dont on voulait lui coller l’initiative. Démenti formel du colonel ; ce n’est pas lui qui a rédigé le document transmis au président. Or, la Lettre du Continent soutient le contraire. Faussement. Elle va d’ailleurs servir une autre perle que voici :
« Etaient présents : le ministre guinéen du budget, Ismael Dioubaté ; le gouverneur de la BCRG, Louceny Nabé ; le chef de la répression du grand banditisme et du crime organisé, le colonel Moussa Tiegboro Camara, qui est chargé de l’enquête ; le patron d’origine mauritanienne de MSS Sarl, Yacoub Abdallahi Sidya ; un cadre sénégalais de la BCRG, Antoumane Sy » (sic !). Ainsi Antoumane Sy, ex représentant de MSS en Guinée et ex gérant de Phoenix est devenu sous la plume de nos confrères, un « cadre sénégalais de la BCRG » ! Comme par miracle… Depuis quand ? Il est évident que le caractère sacré des faits n’étouffe pas certains, car cette information relève de la pure affabulation, Sy n’ayant jamais été employé à la BCRG. Le plus grave, et tous ceux qui étaient ce jour-là à Sékhoutoureyah peuvent le confirmer, c’est que M. Sy n’était même pas présent à la fameuse réunion où il a plutôt été plutôt question de comprendre l’origine des fuites qui affectent malheureusement le fonctionnement normal de la Banque centrale. Selon nos sources, c’est d’ailleurs cette tâche qui a été expressément confiée aux services spéciaux du colonel Tiegboro. A l’avenir, la LC devrait au moins prendre la peine de recouper les tuyaux pourris fournis par ses « sources ».
Un même dossier, plusieurs « faits » inexacts
« L’enquête » de nos confrères a débuté par deux grosses bourdes (voir LC N°783, du 5 septembre 2018). D’abord, dans un souci de précision « chirurgicale », la Lettre parle de 21 millions de dollars USD (en précisant 17,3 millions d’euros !) qui auraient disparu de la BCRG dans une affaire de placement illégaux impliquant, selon elle, de hauts responsables guinéens dont les intérêts convergeaient dans une société exportatrice d’or. Vérification faite, aussi bien le montant annoncé que le circuit hallucinant décrit dans l’article étaient faux. Il s’agissait plutôt d’un problème d’encaissement de 21 millions d’euros dont la banque correspondante de la BCRG exigeait les justificatifs.
Pour l’anecdote, la société exportatrice d’or dont il était question s’appelle Phoenix precious metals (Phoenix) et le gérant n’était autre qu’Antoumane Sy, celui-là même qui est en froid avec son ex patron Yacoub Sidya pour une affaire de dépenses non justifiées au compte de Phoenix. La preuve sur laquelle la LC s’est fondée pour diffuser son « scoop » relevait également de la manipulation. Le relevé des opérations de la BCRG ne saurait mettre en relief les exigences de la banque correspondante en euros de la BCRG (différente de Citibank comme le prétend la Lettre). Mieux, les transferts effectués à la BCRG par Phoenix obéissaient à une directive ferme du ministère des mines et de la géologie qui somme, depuis 2015, toutes les sociétés exportatrices d’or artisanal de rapatrier leurs recettes en devises étrangères, sous peine de perdre leur licence (une demi-douzaine de sociétés utilise le même circuit pour rapatrier leurs recettes). De fait, le rapatriement de ces devises, fruit de la vente d’or artisanal à l’étranger, passe par le compte principal de la BCRG, ce qui n’a absolument rien à voir avec l’histoire de convoiement de fonds, objet de toute cette agitation…
Ensuite, dans la même édition de la LC, l’auteur de l’article y affirmait de manière péremptoire que Yacoub Abdallahi Sidya avait quitté précipitamment la Guinée, après l’éclatement de l’affaire. « Créé le 14 mars 2013 à Conakry, MSS-Sarl est détenu à 90% par un homme d’affaires mauritanien, Yacoub Abdallahi Sidya, qui a quitté précipitamment la Guinée, mi-août (…) », soutenait la LC.
Nos investigations nous ont permis de comprendre que l’affirmation était inexacte car, au moment où il était censé être « en fuite », ce dernier débarquait tranquillement à Conakry pour assister à une rencontre qui s’est déroulée dans le bureau du ministre d’Etat chargé de la défense nationale et des affaires présidentielles, Mohamed Diané, en présence du gouverneur de la Banque centrale, Louceny Nabé, de l’actuel ministre de l’enseignement supérieur, Abdoulaye Yero Baldé et de l’actuel ministre du budget, Ismaël Dioubaté…
Dans son édition suivante (LC N°784 du 19 septembre 2018), la Lettre va en remettre une couche encore plus surprenante. Cette fois-ci, un vieux tableau, récapitulant les remises de fonds à MSS et les encaissements réels de 2014-2015, va être exhibé pour conforter le « scoop ». La Lettre y affirme sans preuve que les fonds du dernier convoyage servaient à « solder les fonds manquants de l’avant dernier convoyage ». Judicieusement. On ne parle plus du placement de montants dans des comptes qui généreraient de intérêts qui à leur tour étaient réinvestis dans une société aurifère (première version de la LC). Vous remarquerez aussi qu’il n’est même plus question de société aurifère, celle-là même que la Lettre affirmait servir de réceptacle pour fructifier les intérêts générés par les fonds « subtilisés » ! Quid de la confusion manifeste entretenue entre « des circuits de devises » et la notion même de « détournement » ? Un superbe jeu de jambes…
Saliou SAMB pour mediaguinee.com