Le président Paul Biya, 85 ans, dont 35 au pouvoir, est réélu pour un septième mandat avec 71,28 % des voix. Le Conseil constitutionnel a proclamé ce lundi les résultats officiels de la présidentielle du 7 octobre. Pour le RDPC au pouvoir, la victoire éclatante du président Paul Biya est celle d’une confiance renouvelée. Mais, avant même la proclamation, les opposants ont rejeté ces résultats, parlant « de résultats fabriqués », d’« élection volée ». Indépendamment de ces contestations, il y a tout de même quelques enseignements que l’on peut déjà retenir. Dont celui de la recomposition du paysage politique et de la mobilisation. Cette présidentielle a suscité un intérêt inédit auprès d’une large partie de la population.
Depuis de longues années au Cameroun, une grande partie de la population s’est détournée du vote, détournée de la politique de manière générale. Les Camerounais ne croyaient plus aux élections : seulement 6,6 millions d’inscrits cette année, soit à peine la moitié de la population en âge de voter.
S’il est un fait que l’opposition a échoué à faire inscrire en masse les Camerounais sur les listes électorales, avec cette élection, il est possible que les choses commencent à changer.
De nouvelles figures ont émergé, des candidats qui sont apparus plus déterminés, plus combatifs. Plus sérieux aussi. La campagne électorale a passionné de nombreux Camerounais qui suivaient les débats à la télévision et l’actualité sur les réseaux sociaux.
Une grande première : le jour du vote, notamment au moment du dépouillement, ils étaient des milliers à prendre des photos ou à filmer les résultats bruts, inscrits sur le tableau noir des salles de classe les partageant aussitôt sur internet.
« Certains jeunes ont pris conscience qu’ils avaient leur mot à dire, leur rôle à jouer. Rien à voir avec les scrutins de 2004 ou de 2011 », constate Philippe Nanga, un acteur de la société civile. Reste à savoir comment ils vont réagir à l’annonce des résultats, s’interroge Philippe Nanga et s’ils sont prêts à suivre les mots d’ordre des candidats de l’opposition.
Le paysage politique a changé
Le second enseignement de ce scrutin est la recomposition du paysage politique. Par sa stature, sa détermination, un réel travail sur le terrain, Maurice Kamto s’est révélé pendant cette présidentielle. « Quand il a décidé de se lancer avec le MRC en 2012, on ne l’a pas vraiment pris au sérieux. Aujourd’hui, c’est lui qui bouscule le pouvoir, cela faisait plus de 20 ans qu’on n’avait pas vu ça », reconnaît un observateur de la vie politique.
Nous rejetons solennellement et catégoriquement ces résultats fabriqués et refusons de reconnaitre la légitimité du chef de l’Etat ainsi désigné par ses obligés et non par les électeurs camerounais. […] Nous utiliserons tous les moyens du droit pour faire rétablir la vérité des urnes.
Son parti, le MRC, grandit aux dépens du SDF. En raison de la crise anglophone, le principal parti de l’opposition camerounaise n’a pas pu faire le plein des voix dans des fiefs traditionnels du Nord-Ouest et Sud-Ouest. Considéré à juste titre ou non, comme comptable au même titre que le parti au pouvoir de la situation actuelle du pays, le parti de John Fru Ndi est aujourd’hui divisé. Joshua Osih en paie le prix.
Quant à Cabral Libii, il fait une entrée très remarquée. Crédité de seulement 6,28% des voix, des chiffres qu’il conteste, le benjamin de la présidentielle a réussi à se hisser dans le débat national, suscitant un réel espoir auprès d’une partie de la jeunesse camerounaise.
Dans le camp des vainqueurs, certains responsables reconnaissent que cette élection a changé le paysage politique et que le RDPC devra en tenir compte à l’avenir.
Une victoire sans appel
Pour Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du RDPC, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir, cette victoire est sans appel.
Ce sont des résultats qui sont non seulement incontestables, mais qui peuvent être vérifiés et dont nous nous réjouissons. […] Nous n’avons pas besoin de redouter un second tour qui pourrait avoir lieu dans la rue parce que le Cameroun est un Etat gouverné et je crois que ceux qui gouvernent le Cameroun sauront prendre leurs responsabilités.