Né d’un père sénégalais et d’une mère française, Pap Ndiaye, un chercheur et historien de 56 ans était à la tête depuis l’an dernier du Musée de l’immigration. Sa nomination en tant que ministre de l’Éducation marque une rupture avec son prédécesseur Jean-Michel Blanquer.
Et si c’était lui, la caution de gauche à de ce nouveau gouvernement ? À voir les réactions épidermiques de la droite et de l’extrême droite, Pap Ndiaye n’est pas loin de devenir la Christiane Taubira d’Emmanuel Macron, observe Julien Chavanne du service politique de RFI. « Indigéniste assumé » pour Marine Le Pen. « Déconstructeur de la France » pour Éric Zemmour. « Cheval de Troie du gauchisme américain, du racialisme et du wokisme », pour le Républicain Julien Aubert. L’historien n’avait pas dit un mot qu’il était déjà leur cible numéro un.
La force de ces attaques ferait presque oublier qu’il est l’une des rares personnalités de gauche de ce gouvernement dominé par des ministres sortants et par des personnalités de droite. En 2012, Pap Ndiaye avait appelé à voter pour le socialiste François Hollande. Mais dix ans plus tard, c’est Emmanuel Macron qui le séduit et le nomme à la place de son exact opposé.
Méritocratie républicaine
Né il y a 56 ans de père sénégalais et de mère française, Pap Ndiaye a grandi en banlieue parisienne aux côtés de sa sœur cadette, l’écrivaine Marie NDiaye, prix Goncourt 2009. Il se définit lui-même comme un pur produit de la méritocratie républicaine.
Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d’histoire et titulaire d’un doctorat obtenu à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), il a étudié aux États-Unis de 1991 à 1996 et s’est fait connaître du grand public en publiant en 2008 La Condition noire, essai sur une minorité française. Avec cet ouvrage, Pap Ndiaye il fût l’un des premiers à s’être intéressé aux populations d’origine africaines en France, à leur place dans la société et à la discrimination dont elles sont victimes.
Après avoir été le conseiller scientifique de l’exposition Le Modèle noir au Musée d’Orsay en 2019, il est nommé il y a un peu plus d’un an à la direction du Palais de la Porte Dorée qui comprend le Musée de l’Immigration. Pap Ndiaye dit alors prendre le risque d’être un alibi. Pour lui, il s’agit d’un risque « tout à fait secondaire par rapport à l’intérêt d’ouvrir une voie » aux enfants d’origine africaine.
Au ministère de l’Éducation nationale, il aura la lourde charge de rétablir un lien de confiance avec les enseignants dont les relations avec son prédécesseur étaient particulièrement mauvaises. Lors de la passation de pouvoir avec Jean-Michel Blanquer, rue de Grenelle, Pap Ndiaye a ainsi prôné « le dialogue avec toute la communauté éducative ». « Mes premières pensées vont vers le monde des enseignants qui est le mien depuis toujours », a-t-il ajouté lors de sa première prise de parole en tant que ministre.
Alors que Jean-Michel Blanquer s’était donné pour mission de combattre « les ravages de l’islamo-gauchisme » dans les universités, Pap Ndiaye lui combat plutôt les discriminations et les violences policières. La cohabitation avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sera scrutée de près.
« C’est un praticien, qui enseigne, qui sait ce que sait que d’être devant une classe d’élèves ! C’est bien d’aller chercher un pédagogue au moment où il y a un mal-être chez les enseignants », affirme Pascal Blanchard à l’Agence France-Presse. L’historien spécialiste de la colonisation salue également « quelqu’un à l’écoute de la diversité » et « connaît les enjeux internationaux ».
« Sur tout ce qui touche aux minorités, il incarne des orientations qui ne sont certainement pas celles que Jean-Michel Blanquer a mises en œuvre », analyse le sociologue Michel Wieviorka. « Il a également la chance de pouvoir nous faire circuler entre différentes cultures », les États-Unis, l’Afrique et la France.