Vendredi 12 février, après des mois de négociations infructueuses entre les États pour s’accorder sur un candidat de consensus, l’Assemblée des États parties (AEP) au Statut de Rome a élu Karim Khan pour devenir le prochain Procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Au moment où la Cour s’engage dans un processus de profonds changements pour renforcer ses performances, et alors qu’elle est toujours confrontée à des attaques et des défis sans précédent, l’élection d’un nouveau Procureur constitue une occasion clé de réaffirmer la Cour en tant qu’acteur essentiel dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux, et de renforcer son impact sur les victimes et les communautés affectées.

Après plusieurs reports des élections du Procureur initialement prévues en décembre 2020, et alors que les États parties n’ont pu se mettre d’accord sur un candidat de consensus,Karim Khana été élu comme prochain Procureur de la CPI par l’AEP. Khan a été élu au second tour de scrutin – pour la première fois au scrutin secret – avec 72 voix sur les 123 États parties, le second candidat,Fergal Gaynor, ayant reçu 42 voix. Le nouveau Procureur entrera en fonction le 16 juin 2021, pour un mandat non renouvelable de neuf ans. Il succédera à Fatou Bensouda, qui a occupé ce poste pendant les neuf dernières années.

«La FIDH souhaite la bienvenue au nouveau Procureur et espère qu’il perpétuera et renforcera les relations de longue date entre le Bureau du Procureur et la société civile. Nous sommes prêts à aider le prochain Procureur et son bureau à relever les défis à venir pour rendre justice aux victimes et aux communautés affectées, ce qui constitue l’essence même de l’existence de la Cour» a déclaré Alice Mogwe, présidente de la FIDH.

Au cours de son mandat de neuf ans, Bensouda a forgé un héritage important pour son successeur. La FIDH espère que Khan s’appuiera sur cet héritage pour renforcer le travail du Bureau du Procureur (BdP), notamment dans son approche aux droits des victimes et des communautés affectées, aux examens préliminaires et aux enquêtes et poursuites relatives aux crimes sexuels et basés sur le genre. Des milliers de victimes et desurvivant.esdans le monde entier voient dans la CPI le dernier recours pour obtenir justice. En ce moment charnière pour la Cour, Khan devra s’assurer que cette institution mérite à juste titre de représenter le dernier espoir de justice et d’établissement des responsabilités.

«De nombreux défis attendent le nouveau Procureur : ressources financières et humaines limitées, manque de coopération des États parties, attaques directes contre la Cour et son personnel, réforme en profondeur du travail de la Cour, pour n’en citer que quelques-uns. Nous sommes certains que Karim Khan continuera de défendre ardemment l’indépendance du Bureau du Procureur et de la Cour face à ces défis, tout en consolidant le lien entre la Cour et lessurvivant.es, qui devraient être au centre des processus de la CPI» a déclaré Shawan Jabareen, Secrétaire général de la FIDH et Directeur général d’Al Haq.

Khan rejoint la CPI à un moment critique. En 2020, un processus d’examen de la performance de la Cour a conduit un groupe d’experts indépendants à émettre384 recommandationsaux différents organes de la Cour ainsi qu’aux Etats parties pour renforcer et améliorer le travail et le mandat de la Cour. Bien qu’un mécanisme ait été créé pour évaluer et faire le suivi des recommandations, le nouveau Procureur de la CPI doit jouer un rôle actif pour assurer leur mise en œuvre au cours des prochaines années.

Contexte

Karim Khan a été élu à l’issue d’un processus particulièrement complexe. Après qu’unappel à candidaturesait été lancé le 31 octobre 2019 par l’Assemblée des États parties, le Comité d’élection du Procureur (“CEP”) et un panel d’experts ont soigneusement évalué toutes les candidatures. Une “longue liste” de quatorze candidats ont été sélectionnés pour des entretiens, parmi lesquels quatre ont été identifiés comme les candidats les plus appropriés pour le poste et ont été officiellement et publiquementprésélectionnésle 1er juillet 2020. À ce stade, les États parties au Statut de Rome, chargés d’élire le Procureur de la CPI, ont été invités à trouver un consensus sur l’un des candidats présélectionnés, ce qui s’est avéré plus complexe que prévu. En raison de l’absence de consensus possible, la décision a été prise de prendre en considération tous les candidats intéressés de la longue liste.

L’extension de la liste restreinte a suscité desinquiétudes parmi les organisations de la société civilequi ont estimé que cette décision s’écartait des termes de référence adoptés par le Bureau de l’AEP pour l’élection du Procureur, ce qui pourrait créer un précédent regrettable. Après que la décision a été prise, les ONG ont notamment demandé aux États parties de veiller à ce que l’élection d’un nouveau Procureur de la CPI soit le résultat d’uneévaluation fondée sur le mérite, rigoureuse et juste des qualifications de tous les candidats, notamment deleur expérience, de leur expertise et de leur haute moralité, à la suite d’un mécanisme de vetting approfondi.

Avec la FIDH